Agnès Rosenstiehl, autrice jeunesse

« À bientôt 50 ans, le personnage de Mimi Cracra reste intemporel. »

Invités
Publié le 15 novembre 2024

Invitée de l’événement Un automne à buller avec une exposition et une rencontre publique, l’autrice de littérature et albums pour la jeunesse revient sur son histoire et ses inspirations.

  • Comment êtes-vous devenue autrice pour la jeunesse ? 

Presque par accident. J’étais destinée à être musicienne. J’ai obtenu un premier prix en classe d’harmonie au Conservatoire national supérieur de Paris. Je n’aimais que la musique et notamment celle de Bach. C’est une histoire de famille tragique qui m’a orientée vers le dessin, que je pratiquais depuis toujours en inventant par exemple de petits journaux contenant des aventures, des jeux… Je peux dire que le Conservatoire a été une bonne école puisqu’on y apprend les lois qui régissent toute composition, qu’elle soit musicale, littéraire ou autre : l’équilibre, la réserve, l’assemblage, la mise en page, l’aération… 

  • Comment s’est donc opérée la déviation vers le dessin et l’écriture ? 

Pour gagner ma vie, je me suis rapprochée de la revue Pomme d’Api qui venait tout juste de naître. J’ai été publiée dès le numéro 2, après avoir simplement montré mes dessins, chose qui serait impossible de nos jours. À l’époque, et pour simplifier les choses, à part Pomme d’Api et Babar, il n’y avait pas grand-chose pour les enfants. Ils m’ont demandé de créer une petite fille qui se lave. Puis qui lave ses bottes… De fil en aiguille, elle est apparue dans chaque numéro jusqu’à devenir un des personnages phares de la publication, un être audacieux, un peu éloigné de l’image classique du magazine. Pourquoi l’avoir nommée Mimi Cracra ? Tout simplement parce que le comité éditorial me demandait un nom pour ce petit personnage récurrent. En cherchant, je leur ai dit « elle est mimi, c’est vrai, et un peu cracra ». Ça nous a fait rire et le nom était trouvé. 

  • Vous attendiez-vous à un tel succès ? 

Oui et non. Cette petite fille est toujours seule, elle se débrouille et s’amuse avec rien, même d’un objet cassé. Cela colle bien à mon état d’esprit anti-consumériste, pas revendiqué explicitement mais assumé implicitement. J’ai aimé porter ce message qu’un enfant peut tirer des ressources de lui-même et que le monde est assez beau pour ça. En plus, Mimi Cracra apparaît sans parents, sans milieu social identifié. On ne sait pas non plus si elle vit à la ville ou à la campagne. Même ses quelques habits – elle n’a pas plus de sept costumes, du maillot de bain au pull – ne disent rien sur ses origines. Ce personnage universel, indépendant et créatif a donc de quoi séduire. En revanche, j’ai détesté les adaptations télévisées, même si elles ont participé à son succès. Je suis restée fidèle à un graphisme simple, Mimi Cracra étant toujours dessinée de profil, à l’égyptienne, comme d’ailleurs l’ensemble de mes personnages. 

  • On oublie souvent que vous avez eu d’autres grands succès. Que disent-ils de vous ? 

J’ai effectivement une « star » oubliée, L’Alphabet fou paru chez Larousse que j’aimerais voir republier. Cet ouvrage illustré traduit mon engagement en faveur de la langue française, sujet qui m’a d’ailleurs ouvert les portes d’autres maisons d’édition. Dans ce livre, je parle des jeux de mots, de la langue qui peut faire bafouiller à cause des répétitions ou allitérations. Par exemple : « Deux dindes aident un dodu dindon ». C’est un livre à lire à haute voix et de plus en plus vite… Il a eu un énorme succès. J’ai aussi écrit quatre petits dictionnaires en images pour les noms, les verbes, les adjectifs et les adverbes. Publiés en coffret, ils constituent une leçon de grammaire idéale pour les 3-5 ans, qui découvrent ainsi qu’il existe différentes catégories de mots. 

  • Que présentera l’exposition au Havre ? 

On y trouvera douze épisodes originaux de Mimi Cracra. J’en ai écrit 220 entre 1975 et 2005 ! Il y aura aussi d’autres dessins, choisis avec la librairie Les 400 coups. Je viendrai pour la première fois au Havre et serai ravie de rencontrer ses habitants et de répondre à leurs questions. 

À voir aussi

Ce portrait a été initialement publié dans le magazine LH Océanes

Plus d'infos sur l'exposition

Librairie Les 400 Coups
1 rue Édouard Herriot 
76600 Le Havre

Rencontre et séance de dédicaces samedi 23 novembre à 15h (sur inscription par mail à l'adresse ci-dessous)

Exposition jusqu’au 30 novembre