Exposition

Sales bêtes !

Animaux mal-aimés en bibliothèque

Du 2 mars au 29 juin 2024 - Bibliothèque Armand Salacrou

En convoquant la place des animaux mal-aimés à travers ses fonds et notre histoire, la bibliothèque Armand Salacrou montre la diversité des collections, tout en explorant l’origine de notre délicat rapport aux animaux. L’exposition est visible du 2 mars au 29 juin.

Parler des animaux n’est-il pas plus indiqué en muséum qu’en bibliothèque ? À bien y regarder, les bêtes sont présentes partout dans la littérature, les sciences, l’Histoire, les recettes, les illustrations et, bien sûr, les armoiries. L’exposition « Sales Bêtes ! Animaux mal-aimés en bibliothèque » n’apporte pas seulement une explication à la présence troublante d’une salamandre et deux léopards sur le blason du Havre… On y apprend aussi, par exemple, pourquoi l’on décrit les amoureux des livres comme des « rats de bibliothèque ».

Mais, pourquoi parle-t-on de « sales bêtes » ? En regardant bien l’histoire européenne, rares sont les animaux qui ont trouvé grâce à nos yeux. Les plus gros d’entre eux ont toujours fait peur : ours, loup ou encore baleine, la faune marine étant d’ailleurs source de fantasmes maléfiques. Cauchemardesques eux aussi, les animaux noirs, bruns ou rayés, sans parler des nocturnes. À ce jeu-là, le chat, tant apprécié de nos jours, a longtemps eu la vie dure : son pelage, ses yeux, ses moeurs l’ont assimilé aux sorcières ou au Diable, le vouant à des procès, voire au bûcher. Et que dire des bêtes rampantes, le serpent étant à l’origine du péché originel ?

Pas si nuisibles…

Le vilain bestiaire qui hante les rayonnages des bibliothèques orne les reliures, illustre de longs paragraphes savants ou des fables, ou laisse parfois des coups de dents dans les oeuvres. On apprend que les animaux mal-aimés, comme le corbeau ou le loup, sont parfois exterminés pour des raisons avant tout politiques ou religieuses, particulièrement au Moyen Âge. Mais qu’en est-il des autres ? Parler de sales bêtes ne relève-t-il pas de la provocation ? « Il n’y a pas de sales bêtes, ni de nuisibles, beaucoup d’animaux ou insectes impopulaires ou craints présentent un réel intérêt pour l’Homme. Les araignées mangent moustiques et cafards, les mouches nous débarrassent des déchets… », répond Lucile Haguet, responsable de la conservation et de la valorisation du patrimoine à la bibliothèque Armand Salacrou.

Les considérations de nos ancêtres sur les bêtes ont évidemment contribué à notre propre perception contemporaine. À ce titre, les discours sur la morale des animaux, bien qu’éloignés de notre conception de la connaissance, marquent encore l’inconscient collectif. Les expressions « larmes de crocodile » ou « ours mal léché » en sont un héritage bien vivant.

Chercher la petite bête

Et si la compréhension de ces a priori culturels, voire la peur et le dégoût, était nécessaire à l’heure où la biodiversité est en péril ? Plus que jamais, il convient de remettre en question certaines aversions : ne nous promet-on pas que nous nous nourrirons bientôt d’insectes ?

Si la plus importune des bêtes peut contribuer à la survie de l’ensemble des espèces, l’exposition n’ambitionne pas de nous réconcilier avec toutes les sales bêtes, certaines résistant à tout effort de réconciliation. Mais même les ennemis de la salubrité publique, tels puces et poux, bénéficient parfois de traitements particuliers, au sens artistique comme au sens médical du terme. Le père de l’écrivain havrais Armand Salacrou a ainsi inventé et fait breveter le « Marie-Rose », produit anti-poux dont le slogan fut créé par le poète surréaliste Georges Desnos. Vous ne le saviez pas ? Raison de plus pour visiter l'exposition !