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Portrait
Culture

Caroline Hayeur, photographe invitée d'Are You Experiencing ?

Invitée d’honneur du festival de photographie Are You Experiencing ?, l’artiste québécoise pose au Havre le matériel de sa série sur les dormeurs, dans le cadre d’un travail sur la mémoire d’habitants ayant vécu les bombardements de 1944 et la Libération.

Publié le 03/04/2024

  • lehavre.fr : Comment êtes-vous devenue photographe ?

Caroline Hayeur : Pure Montréalaise, j’ai commencé la photo dès 14 ans dans les clubs des Maisons de Jeunes. J’ai poursuivi l’apprentissage en collège d’enseignement supérieur. Je me suis vite tournée vers le photoreportage et le documentaire, ayant fait partie du collectif Stock Photo de photojournalistes indépendants de 1994 à 2020. Parallèlement, j’ai commencé à cultiver l’aspect artistique de ma pratique avec l’envie de présenter mes travaux en galerie. Je m’étais alors spécialisée dans le mouvement et la danse, le monde de la nuit, les spectacles et lieux alternatifs. En 1997, mon premier projet d’envergure concerne la scène rave de Montréal. Cette série a tourné pendant dix ans en Amérique et en Europe. J’ai ainsi été choisie par le journal Le Monde pour couvrir la première Techno Parade de Paris.

  • lehavre.fr : Comment êtes-vous passée de la danse à une série sur les dormeurs ?

C. H. : J’ai réalisé, à partir de 2020, cette série intitulée Radioscopie du dormeur. L’idée m’est venue alors que je travaillais sur des photos animalières avec des caméras d’affût. J’ai pensé à observer les humains dans leur phase de sommeil, la seule que nous ne voyons jamais, même à l’heure des selfies. Quel mystère ! Le lien avec mon travail sur le mouvement est que les gens bougent durant leur sommeil. C’est une vraie danse de la nuit. En même temps, les muscles se relâchent, conférant une beauté calme au dormeur, avec beaucoup de douceur et de poésie. Mon dispositif de prises de vue est disposé au-dessus du lit. Équipé d’un infrarouge qui détecte les mouvements, il se déclenche en cas de changement de position et donne une texture sensible aux personnes, permettant parfois de voir leurs veines.

  • lehavre.fr : Comment ce travail a-t-il trouvé le chemin du Havre ?

C. H. : La fille de l’un des organisateurs d’Are You Experiencing ? vit à Montréal. Un ami commun lui a présenté la série. Je suis aujourd’hui l’invitée d’honneur du festival qui, en plus, s’est appuyé sur les Dormeurs pour orienter l’appel à d’autres photographes, sur le très joli thème « La nuit, je voyage... ». C’est donc mon premier séjour au Havre et en Normandie. Je suis enchantée car tous les Québécois sont un peu Normands ou Bretons. On est vraiment cousins, plus celtes que latins. Le Havre est une ville qui parle aux Américains, à la fois pour sa trame en quadrilatère et par ses repères en hauteur comme Saint-Joseph, l’Hôtel de Ville ou la Catène de conteneurs… Je parcours beaucoup la ville à vélo. Je suis d’autant plus ravie d’exposer ici que j’y présente, pour la toute première fois, l’intégralité des 26 scènes des Dormeurs, dans le cadre parfait du Théâtre de l’Hôtel de Ville.

  • lehavre.fr : Quel est le travail que vous menez actuellement ?

C. H. : Le festival de photo m’a proposé de réaliser un projet pendant ma présence au Havre. La commémoration des 80 ans de la Libération m’a donné l’idée de décliner les Dormeurs ici, auprès de personnes ayant vécu cette période ou ayant hérité de son souvenir par leurs proches. Leur photo sera accompagnée de leur témoignage. Cette démarche interroge aussi mon propre lien avec la période de la Seconde Guerre mondiale, chaque Canadien ayant un aïeul qui a participé au Débarquement puis à la Libération. Le rêve, pendant le sommeil, peut agir comme une catharsis en cas d’événement traumatique, d’où l’idée de faire s’exprimer ces Havrais. Le propos comme le rendu seront je l’espère très oniriques.