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Culture

Dominique Blanc-Francard, ingénieur du son et réalisateur

Il a enregistré les Pink Floyd, David Bowie, Elton John ou encore Stéphan Eicher. Dominique Blanc-Francard est recherché pour sa maîtrise et son expertise dans une activité à la pointe de la technologie.

Publié le 16/11/2023

  • lehavre.fr : Le métier d’ingénieur du son est plutôt méconnu. Comment vous y êtes-vous frotté ?

Dominique Blanc-Francard : C’est un métier de l’ombre, voire très solitaire. Mon père était chef opérateur son pour la Radiodiffusion-télévision française. J’ai passé mon enfance à le voir travailler des bobines, ou bien j’assistais aux enregistrements d’émissions en studio. Mais je voulais plutôt devenir musicien. Mon père me tuyaute vers Europe 1 où je fais du montage de bandes magnétiques avec des ciseaux, un magnétophone et un haut-parleur dans une pièce grande comme un placard ! Pendant sept ans, j’ai appris sur le tas et assisté à l’explosion de la musique enregistrée. J’enregistre d’ailleurs mon premier disque sorti dans le commerce grâce au producteur de musique Pierre Lattès qui était directeur artistique pour un label underground.

  • lehavre.fr : C’est là que vous avez trouvé votre vocation ?

D.B-F. : Pierre Lattès m’a présenté au compositeur Michel Magne, un génie qui avait créé un studio d’enregistrement au château d’Hérouville, à Pontoise. Un jour de 1971, il m’appelle pour enregistrer l’album Rock’n’Roll d’Eddy Mitchell. Je découvre un studio au son inouï. Quelques mois plus tard, Michel rencontre le bassiste des Rolling Stones qui vient lui aussi enregistrer. Je ne comprenais pas l’anglais et j’étais sûr d’avoir mal travaillé. Au contraire, les Anglais sont emballés et se passent le mot. Ainsi défilent au studio les Pink Floyd, Elton John pour son premier album, David Bowie, T.Rex… Mon expérience n’y dure que trois ans, mais quel stage !

  • lehavre.fr : Comment se dessine la suite ?

D.B-F. : Je suis devenu ingénieur du son indépendant, une première ! Depuis, je n’ai jamais arrêté. Dans les années 1980 arrivent les premiers synthétiseurs et je rêvais que peut-être, un jour, tout serait dans un ordinateur. On y est effectivement parvenu. D’ailleurs, s’il n’y a pas eu d’évolution majeure sur la qualité du son enregistré depuis plus de dix ans, la révolution vient de la taille du matériel nécessaire. Là où il y a une décennie encore il fallait un camion, un sac à dos suffit aujourd’hui. Mais la technologie ne se substitue pas à la compétence de l’ingénieur du son qui sait faire les bons choix.

  • lehavre.fr : Cette révolution technique ne met-elle pas en danger votre activité-même ?

D.B-F. : De plus en plus de jeunes artistes enregistrent eux-mêmes leurs musiques sur téléphone, en permanence car les usages ont bien changé : la durée de vie d’une chanson de musique urbaine est d’une semaine ! En revanche, un studio d’enregistrement reste indispensable pour certaines prestations : si vous avez besoin d’un quatuor à cordes sur votre morceau, par exemple. Les artistes recherchent aussi l’échange avec les techniciens, leur expertise, leur expérience. La musique a besoin de connivence, la création est meilleure lorsqu’elle est partagée. Notre studio remplit également toutes les missions de production et de réalisation, à l’aide des technologies les plus avancées, dont les immersives. On est dans la classe haute-couture.

  • lehavre.fr : Qu’est-ce qu’un mixage immersif ?

D.B-F. : Il s’agit du format Dolby Atmos, comme au cinéma, qui crée des effets sphériques grâce à ses multiples enceintes, y compris au plafond. La sensation d’immersion dans le son fait redécouvrir la stéréo. Ce sera le format des voitures autonomes, qui permettra de vivre une expérience musicale englobante durant les trajets.

  • lehavre.fr : Comment voyez-vous l’évolution de la musique actuelle ?

D.B-F. : J’écoute les nouveautés en Dolby Atmos pour sentir la température. Ma génération est tentée de dire « c’est horrible » mais je préfère dire « je n’aime pas ». Je me souviens trop bien de l’opinion de mes propres parents sur la musique yéyé que j’écoutais. Si ça me choque, c’est que le but est atteint. Par contre, je découvre et rencontre de jeunes musiciens véritablement virtuoses et je prédis une poussée de la musique instrumentale. Le mariage d’un hip-hop musclé avec des solistes de jazz est déjà en cours outre-Manche, comme un retour aux vraies racines du jazz.

Weekend musical avec les bibliothèques
Retrouvez Dominique Blanc-Francard lors d'une rencontre autour de son parcours,
samedi 18 novembre à 16h à la bibliothèque Oscar Niemeyer
Dédicaces à l'issue de la rencontre, en présence de la librairie La Galerne

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