Portrait
Culture

Philippe Mayaux, artiste invité jusqu’au 17 septembre par le Portique

L’artiste au style inclassable présente un parcours qui explore son univers, entre toiles psychédéliques, objets fétiches, machines schizophrènes et installations hypnotiques. Une découverte aussi profonde que fantaisiste.

Publié le 10/07/2023

  • lehavre.fr : Comment s’explique ce style qui vous est si propre ?

Philippe Mayaux : Dès mes études à la Villa Arson de Nice, et sans doute par esprit de contradiction, j’ai commencé par peindre alors que cette pratique était presque obsolète pour ma génération, la mode étant plus à l’objet, à la photo ou aux installations. C’est un peu mon esprit dadaïste qui s’exprimait : « Ce n’est pas bien ? Faisons-le ! ». En plus, mes peintures étaient figuratives et en petits formats. Un quasi blasphème ! D’ailleurs, Marcel Duchamp ne disait-il pas « con comme un peintre » ?

  • lehavre.fr : Ce qui ne vous a pas empêché de décrocher le prestigieux prix Marcel Duchamp en 2006…

P.M. : C’est vrai, d’autant que mes pratiques ont aussi évolué vers des objets, des ready-made comme les produisait Duchamp, ou vers une interaction avec des machines. Ce bruit et ce mouvement étaient comme de l’anti-peinture. Mon travail est ainsi devenu un environnement, un univers qui m’est propre, perturbant et avec pas mal de personnalité. Je me suis aussi intéressé au surréalisme, une école bannie depuis les années 1950 mais qui pour moi était pop, liée à la BD, au rock, à la science-fiction qui sont toute la culture de ma jeunesse. Je fais appel à l’imagination, à l’ironie, voire à l’autocritique qui me permet, en creux, de critiquer notre société.

  • lehavre.fr : Est-ce toujours votre propos ?

P.M. : J’estime que l’on n’a pas besoin des artistes pour comprendre notre société. Je suis donc aujourd’hui plus proche de la peinture psychédélique et fantastique. Elle permet au regardeur de faire travailler son imaginaire. Mon travail est plus spirituel, à chacun de l’interpréter tout comme il interpréterait la nature et le monde qui l’entourent. Mes tableaux partent d’une tache de bitume que je retravaille pour faire apparaître des figures par symétrie, sortes d’êtres extra-terrestres qui auraient précédé l’Homme, comme des divinités. Cela rappelle les « grotesques », frises de la Renaissance célébrant la fusion des animaux, plantes et êtres au sein du cosmos. J’aimerais que mes tableaux soient des hallucinations.

  • lehavre.fr : Pourquoi nommer votre exposition « Songe d’un jour d’été » ?

P.M. : C’est évidemment une allusion à la pièce de Shakespeare dont les protagonistes, perdus dans une forêt où tout est permis, se frottent au monde imaginaire. Je propose ici une rêverie en plein jour où les oeuvres, dans leur diversité et leur variété, sollicitent un regard prolongé, pour y découvrir une profondeur qui échapperait sinon au regardeur. Il y a ainsi dans l’exposition un arbre animé en musique, où dansent gentiment la vie et la mort. Au Portique, je m’intéresse aussi au numérique, toute avancée scientifique faisant bouger l’art. Cette grande variété fait parfois se demander si les oeuvres sont bien toutes du même artiste… C’est un spectacle total qui attend les visiteurs, y compris les enfants, naturellement plus ouverts aux mondes imaginaires.

  • lehavre.fr : Est-ce une rétrospective ?

P.M. : Il s’agit plutôt de mon travail des deux dernières années. Il traduit pleinement mon ambition de peindre le mystère, ce qui est par nature impossible à représenter car de l’ordre de l’imaginaire, du religieux. J’ai envie de peindre les mystères de la création, l’invisible et, comme Dieu, donner naissance à une genèse. Cela s’exprime aussi à travers les objets exposés, sortes d’idoles païennes de notre société, et entièrement réalisés à partir d’emballages ou blisters dont j’utilise les formes et les vides. Imprimés en 3D, ces petits dieux issus de déchets nous font regarder notre société comme s’il s’agissait d’une civilisation disparue. Mais je parle trop, je ne veux pas donner tant d’éléments d’explication. Ce serait comme raconter le film avant que vous ne le voyiez…

Exposition « Songe d’un jour d’été »
Jusqu’au 17 septembre
Le Portique - 30 rue Gabriel-Péri
09 80 85 67 82
Entrée libre sans réservation
Du mardi au dimanche de 13h à 19h
leportique.org

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