Culture

Le Havre-New York en paquebot : l’épopée extraordinaire des transatlantiques français

Mercredi 15 juin 1864, 18 heures. Le paquebot nommé "Washington", exploité par la société française La Compagnie générale transatlantique, inaugure la ligne mythique reliant le Havre à New York. Cette traversée marquera le début de la grande épopée des paquebots transatlantiques français, qui, jusqu’en 1974, ont fait de la cité Océane une porte d’accès privilégiée à la Big Apple, et plus largement, au "Nouveau Monde". Cette année, le 15 juin 2024, nous célébrons les 160 ans de la "French Line", un parcours historique, maritime et portuaire exceptionnel entre les villes du Havre et de New York.

Publié le 14/06/2024

Le mercredi 15 juin 1864, à 18 heures, le paquebot Washington quitte le port du Havre. Ce bateau à vapeur, d’une longueur de 105 mètres, est propulsé par des roues à aubes. Il transporte 60 passagers et 500 tonneaux de marchandises à son bord.

"La sortie du transatlantique s’est effectuée d’une manière très heureuse. La foule assemblée sur les quais l’a salué sous les vivats." | Le Figaro, 17 juin 1864

Le paquebot est exploité par la Compagnie générale transatlantique, subventionnée par l’État français, fondée 9 ans plus tôt par les deux frères et hommes d’affaires Émile et Isaac Pereire. L’objectif principal de la compagnie – et de la France alors gouvernée par Napoléon III – est de concurrencer les Anglais, qui ont inauguré dès les années 1830 les premières traversées reliant la Grande-Bretagne aux États-Unis.

La traversée du Havre jusqu’à New York

La traversée du paquebot Washington jusqu’à New York durera en tout 13 jours et demi, avec une escale de 24 heures à Brest. Le mercredi 29 juin, à 5 heures du matin, le Washington se pose dans le port new-yorkais. Ce voyage est un moment clé, puisqu’il sonne le début des liaisons transatlantiques entre la France et le "Nouveau Monde".

En effet, à partir de 1864, les traversées reliant Le Havre à New York vont constituer une activité stratégique où se jouent diplomatie, commerce, échanges culturels, transport du courrier et, au tournant du XXe siècle, émigration européenne.

Au fil des années, la Ville du Havre devient le point de convergence où des milliers de migrants des classes populaires embarquent pour le Nouveau Monde, espérant faire fortune et tenter leur chance aux États-Unis. Puis, dans les années 1920 et 1930, les lignes transatlantiques connaissent un véritable essor. À cette époque, la ligne française au départ de la cité Océane est la plus importante de l’Atlantique Nord !

Des avancées grâce à de nouvelles innovations

Au rythme des différentes innovations, le luxe et le confort pour les passagers des paquebots s’améliorent. Progressivement, la compagnie commence à cibler un autre type de clientèle, plus fortunée. Les passagers bénéficient de prestations exceptionnelles : à l’intérieur des navires, la décoration est somptueuse, la gastronomie "à la française" et la carte des vins aussi.

Grâce aux progrès techniques, le voyage jusqu’aux États-Unis dure moins longtemps. De 13 jours en 1864, il ne faut plus que 4 jours pour rallier le Nouveau Monde en 1935. C’est surtout grâce à la construction, par la Compagnie générale transatlantique, d’un navire hors du commun : le "Normandie", long de 313 mètres, qui peut transporter plus de 1800 passagers. Au moment de sa mise en service commercial, c’est le plus grand navire au monde !

Le Normandie est inauguré le 23 mai 1935 par le président de la République française de l’époque, Albert Lebrun, accompagné de nombreuses autres personnalités. L’inauguration constitue un évènement médiatique considérable. Le premier voyage vers New York débute le 29 mai, et le paquebot se pose dans le port new-yorkais 4 jours, 3 heures, et 2 minutes plus tard. Le bateau est accueilli en grandes pompes dans la Grosse Pomme, recevant le "ruban bleu", qui récompense le transatlantique le plus rapide. Il repart ensuite pour Le Havre où il termine son voyage le 12 juin 1935.

Un trafic fortement réduit jusqu'à l'arrêt

Malheureusement, la Compagnie générale transatlantique sort très affectée de la Seconde Guerre Mondiale, durant laquelle elle a perdu les deux-tiers de sa flotte, dont le Normandie. Seule la mise en service du fameux paquebot "France", en 1962 – alors le plus grand paquebot du monde ! - permet de redorer un peu le blason de la compagnie.

En même temps, les années 1960 et 1970 marquent l’essor phénoménal du transport aérien. Un avion au départ de Paris peut rallier New York en quelques heures. Une durée imbattable pour un paquebot. C’est pourquoi, dans les années 1970, la Compagnie générale transatlantique renonce à la ligne transatlantique et fusionne avec d’autres sociétés de navigation françaises. Elle se réoriente alors vers le domaine plus lucratif du transport de marchandises. "France", le dernier paquebot de la compagnie est désarmé et cesse de naviguer en octobre 1974.

Durant ses 120 ans d’existence, la Compagnie générale transatlantique et ses paquebots a acquis une très forte notoriété, faisant la fierté de la France et l’admiration des États-Unis. Aujourd’hui, son héritage est conservé par l’association French Lines, qui, depuis 1995, préserve les fonds d’archives et les objets de la compagnie. Elle continue ainsi de vivre dans les mémoires, et ses voyages auront marqué, à jamais, l’histoire franco-américaine.

Pour aller plus loin