« À toutes celles qui rêvent de prendre le large : foncez ! »
Publié le 26 mai 2025
Navigatrice licenciée à la Société des Régates du Havre (SRH), Sophie Faguet prépare activement deux grands rendez-vous : la TRANSAT CAFÉ L'OR Le Havre Normandie 2025 et la Route du Rhum 2026. À travers ces courses emblématiques, elle défend une vision engagée de la voile, tournée vers l’inclusion et la visibilité des femmes en course au large.
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Pouvez-vous vous présenter ?
J’ai 38 ans et je suis passionnée par la mer et la voile de compétition depuis mon enfance. C’est un sport très complet : à la fois physique, stratégique et technique. Il mobilise des compétences en constante évolution et j’aime cette exigence de ne jamais me reposer sur mes acquis, de toujours me remettre en question pour avancer. Je suis arrivée au Havre en 2011 pour passer mon Brevet professionnel de la jeunesse, de l'éducation populaire et du sport, en alternance à la SRH. Le club m’a aussi permis de mener des projets de haut niveau jusqu’en 2021, année où j’ai décidé de devenir sportive professionnelle en course au large.
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Que vous ont appris vos dix années d'expérience à la Société des Régates du Havre ?
C’est l’histoire d’une rencontre avec Corinne Migraine, qui m’a recrutée et avec qui je partage une vision commune d’un club de voile accessible à tous les publics. Au-delà de l’entraînement, j’y ai acquis des compétences précieuses pour ma carrière actuelle : gestion d’événements, logistique, aspects administratifs… autant d’éléments qui m’ont permis de mieux comprendre le monde maritime. Le plan d’eau du Havre est l’un des rares en France où l’on peut naviguer quasiment toute l’année. C’est aussi un club qui forme de nombreux moniteurs, où l’on apprend à travailler en équipe tout en encadrant une activité parfois risquée, dans des conditions exigeantes. C'est un vrai challenge qui m’a fait grandir.
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Votre projet en course au large est ancré localement. Que pouvez-vous dire sur votre collaboration avec le dispositif inclusif L'Arche du Havre ?
Pour donner encore plus de sens à notre aventure, nous avons choisi d’associer notre bateau à une cause. En 2024, nous avons décidé de porter les couleurs de la communauté inclusive et solidaire de L’Arche du Havre, qui inaugurait cette année-là une nouvelle maison d’accueil pour personnes en situation de handicap. J’ai trouvé formidable de pouvoir célébrer ensemble le départ de la TRANSAT CAFÉ L'OR Le Havre Normandie et cette inauguration. Je vois un parallèle entre la place des femmes dans la course au large et l’inclusion des personnes en situation de handicap : dans les deux cas, il faut se battre au quotidien pour se faire une place, faire preuve de résilience, rester positif. La différence, c’est que moi, j’ai opté pour la mer. Les personnes en situation de handicap ne choisissent pas leur condition. C’est pourquoi j’ai une profonde admiration pour leur combat.
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Vous faites équipe avec le Normand Nicolas Jossier pour la TRANSAT CAFÉ L'OR 2025. Que vous apporte cette collaboration paritaire ?
J’apprécie beaucoup les équipages mixtes. Le fait d’être différents, rien que par nos genres, apporte une vraie complémentarité. Nous abordons la navigation différemment : nous anticipons davantage, privilégions des systèmes plus subtils, moins basés sur la force brute, même si nous nous entraînons beaucoup physiquement. Sur le plan stratégique, avec Nicolas Jossier, nous remettons sans cesse en question nos méthodes et nos réflexions pour prendre les meilleures décisions. L’idée n’est pas d’avoir raison individuellement, mais de trouver ensemble la meilleure option, en fonction de la situation. Et cela ne vient jamais d’un seul côté.
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Quel message adresseriez-vous aux jeunes filles et femmes qui rêvent, elles aussi, de prendre le large ?
Foncez ! La voile est l’un des rares sports véritablement mixtes : dans les clubs, on peut retrouver autant de filles que de garçons. Il n’y a pas de problème de représentativité à l’échelle locale. Mais en course au large, la réalité est tout autre : si les jeunes filles voient 95 % d’hommes sur les lignes de départ, elles peuvent penser que ce n’est pas un sport pour elles. Or, c’est tout le contraire ! Moi-même, il m’arrive encore de douter face à certaines opportunités, de me dire : « Est-ce que je suis à la hauteur ? » Là où, je pense, beaucoup d’hommes fonceraient sans se poser cette question. Maintenant, je regarde en arrière et j'analyse ma propre expérience pour raisonner et avancer.
Ce portrait a été initialement publié dans le magazine LH Océanes
LH Océanes n°247
Édition du 16 au 31 mai 2025