Depuis sa création en 2015, Madrid Biscuit Compagnie cultive l’exigence insufflée par son metteur en scène, Bernard Vercier. Formé en Russie puis en France, il s’attache à choisir des textes contemporains ou classiques « qui sortent de la facilité » et à développer un travail collectif rigoureux. Cette constance avait déjà été remarquée en 2019, son adaptation de Marivaux ayant été couronnée d’un prix national à Festhéa. 

Pour l’édition 2025 du festival, organisée du 25 au 31 octobre, la compagnie havraise présentait Phèdre déRacinée, issue d’une commande de la Fabrique Atrium. Le défi : rendre Racine accessible à tous. 

Une réécriture inventive 

Pour relever ce pari, Bernard Vercier a choisi de « réécrire » la pièce. Le texte débute en prose avant de retrouver progressivement la forme versifiée d’origine. Cette transition s’appuie sur des dispositifs scéniques surprenants et participatifs, tels que des interventions en chœur, des adresses directes au public, l’apparition de figures mythologiques, comme Neptune ou Vénus, indispensables à la compréhension d’alexandrins parfois hermétiques. Un écran géant enrichit la proposition en diffusant des extraits de mises en scène emblématiques de Phèdre, notamment celles de Patrice Chéreau ou les déclamations mythiques de Sarah Bernhardt. Des témoignages filmés, surtitrés avec les vers originaux, viennent renforcer l’effet de décalage et d’appropriation. 

Portée par l’énergie d’une troupe qui explore Racine avec malice et respect, Phèdre déRacinée a convaincu jury et public, qui ont salué la surprise, l’inventivité de la mise en scène et la justesse d’interprétation. La compagnie a ainsi remporté les deux principaux prix du festival : le Tour d’or et le prix du public. Ce doublé s’est accompagné d’une avalanche d’invitations à jouer partout en France. Pour ses dix ans, Madrid Biscuit Compagnie ne pouvait rêver plus bel hommage.