Après la conduite d’études sur le terrain et la réalisation d’un chantier-test, la Ville du Havre a présenté une stratégie de gestion du site des anciennes décharges avec pour objectif premier de mettre fin à la pollution du milieu marin.
Le traitement des anciennes décharges de Dollemard est un sujet complexe et de longue haleine suivi par la Ville du Havre depuis 2011. Après des études et un chantier-test, un plan de gestion a été réalisé en 2023 pour étudier différents scénarios de réhabilitation. Les premiers travaux vont maintenant pouvoir débuter, grâce notamment au soutien de l’ADEME.
Situées en contrebas des falaises du plateau au Havre, les anciennes décharges de Dollemard ont été exploitées tout au long de la seconde moitié du XXe siècle par des sociétés privées principalement pour l’élimination de déchets issus de la filière du bâtiment. Fermées définitivement au début des années 2000, ces décharges sont exposées, pour parties, aux risques de submersion marine et d’érosion qui provoquent une pollution du milieu marin en relâchant des déchets à la mer. Le site classé Natura 2000 (habitat naturel exceptionnel) présente des habitats d’espèces protégées mais aussi des plantes exotiques invasives à maîtriser.
"Il ne s'agit pas seulement de réparer le passé, mais aussi de préparer le futur : c'est la raison pour laquelle nous ne nous contenterons pas de nettoyer le site de Dollemard, mais avons également un projet de renaturation du site."
Édouard PHILIPPE, maire du Havre, président de la communauté urbaine Le Havre Seine Métropole (février 2022)
La Ville du Havre, avec le soutien de partenaires (État, ADEME, Agence de l’Eau et Région Normandie), étudie depuis 2018 une solution opérationnelle pour résorber cette source de pollution et procéder à la réhabilitation écologique du site.
L’hypothèse du traitement des déchets a fait l’objet d’investigations complémentaires (études bathymétriques, inventaire faune-flore…) entre 2019 et 2020, et un chantier-test s’est déroulé à l’été 2021. Au cours de ce chantier, 3 000 m3 de matériaux, mélange d’éboulis de falaise et de déchets, ont été extraits, triés et traités pour évaluer la composition des déchets, le niveau de pollution, la nature des sols. Cette première opération a permis de tester des solutions de traitement des déchets : à cette occasion, 1 % du volume total de déchets a été traité.
« C’est un chantier complexe, qui n’a jamais été mené ailleurs, mais que nous sommes déterminés à réaliser avec l’aide de nos partenaires afin d’éradiquer cette source de pollution pour le milieu marin. »
Édouard PHILIPPE, maire du Havre, président de la communauté urbaine Le Havre Seine Métropole (juin 2021)
Ce chantier-test était intégré dans le Pacte territorial pour la transition écologique et industrielle du territoire de la communauté urbaine Le Havre Seine Métropole.
Ces opérations ont permis de mieux appréhender la constitution de ces décharges qui représentent un volume de 450 000 m3 de déchets répartis ainsi (du Nord au Sud) :
- zone nord : 235 000 m3
- zone centrale : 205 000 m3
- zone sud : 10 000 m3
Traitement des zones nord et centrale
Les résultats des sondages réalisés à l’été 2021 permettent de caractériser la nature des matériaux présents et les sources de pollution. Ils montrent que les deux premières zones (nord et centre) sont à traiter au regard du risque de d’érosion marine et par la présence de déchets plastiques, d’amiante, de bois pollués et de pneus. La zone centrale est particulièrement polluée en raison d’une forte teneur en micro-plastiques.
Sur ces deux zones, des terres de types « remblais urbains » sont considérées comme non-internes sur 30 % des sondages et présentent des impacts modérés de pollution aux hydrocarbures et aux PCB. La zone sud présente essentiellement des blocs de bétons et gravats dont l’impact est neutre sur l’environnement.
Une étude globale de la qualité chimique des milieux révèle un faible impact sur les eaux souterraine et une absence d’impact sur les mollusques présents dans la zone (en référence aux normes sanitaires).
L’étude des volumes à risque d’érosion par la mer, soit la masse susceptible d’être emportée par la marée au fil du temps, montre que 300 000 m3 de déchets sont concernés par ce risque, ce qui représente les deux-tiers du volume total (soit l’équivalent de 120 piscines olympiques).
La zone centrale est presque intégralement soumise au risque d’érosion, soit 195 000 m3 (95 % du volume). La zone nord est partiellement soumise au risque d’érosion pour environ 45 % de son volume soit 107 000 m3 de déchets. La zone sud est concernée à 100 % pour le risque d’érosion.
Les conclusions du chantier-test et des analyses effectuées permettent à ce stade de ne pas envisager de traitement sur la zone sud, la nature des matériaux et l’instabilité de la masse rendent toutes actions inutiles et périlleuses, avec un fort risque de déséquilibrer la structure du talus sans bénéfice environnemental apparent compte-tenu de la nature inerte des matériaux. Une surveillance continue de l’évolution du volume sera réalisée au cours des prochaines années.
« Des études très poussées et la réalisation d’un chantier-test nous donnent une bien meilleure connaissance de ce que nous devons faire pour stopper l’érosion des décharges de Dollemard. Il nous faut désormais imaginer, avec les entreprises, comment réaliser un chantier d’une telle ampleur, qui n’a jamais été mené ailleurs en France. Ce défi, nous sommes prêts à le relever. »
Édouard PHILIPPE, maire du Havre, président de la communauté urbaine Le Havre Seine Métropole (novembre 2022)
Suite à ces conclusions, la Ville du Havre a présenté en novembre 2022 une stratégie de gestion du site avec pour objectif premier de mettre fin à la pollution du milieu marin.
Le projet vise à réhabiliter le site dans le cadre du Plan national de résorption des décharges littorales présentant des risques de relargage de déchets en mer, et prévoit de traiter 312 000 m3 de matériaux, en deux phases :
- phase 1 / zone centrale : traiter la totalité du volume de déchets (205 000 m3)
- phase 2 / zone nord : traiter le volume érodable (107 000 m3) puis assurer une surveillance de l’érosion réelle du site
Pour la conduite de ce projet, dont l’objectif principal est de stopper la pollution du milieu marin, plusieurs conditions vont devoir être respectées :
- limiter l’impact environnemental du projet sur cet espace naturel sensible
- être le plus ambitieux possible sur le criblage des polluants et sur la valorisation et le réemploi des matériaux
- assurer la conduite du chantier en toute sécurité
- tenir compte des capacités existantes des filières régionales de traitement des déchets
Les travaux vont se dérouler en deux tranches :
- une tranche ferme, qui correspond au traitement de la zone centrale
- une tranche optionnelle, qui correspond au traitement de la zone nord
La durée des études et des travaux pour la tranche ferme est estimée à trois ans.
Cette tranche ferme correspond aux études de conception et aux dossiers réglementaires nécessaires sur l’ensemble de l’opération, ainsi qu’aux travaux de réhabilitation de la zone centrale avec la création et l’entretien des accès, le terrassement, le tri et l’enlèvement, l’évacuation et traitement et/ou la remise en place des matériaux. Ces travaux doivent se dérouler de 2025 à 2028.
Les travaux de la tranche optionnelle, quant à eux, sont envisagés pour la période 2027-2029.
L’État, via l’ADEME, au travers du Plan national de résorption des décharges littorales qui associe également le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA) et le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), apporte son soutien aux travaux de la tranche ferme à hauteur de 22 M€.
Le montant total des travaux de la tranche ferme est estimé à 37,3 M€. La Région Normandie devrait également apporter un financement de 3,7 M€, les 11,6 M€ restants étant pris en charge par la Ville du Havre.
Ce chantier, qui n’a encore jamais été mené ailleurs, est complexe et représente un véritable défi. Après la conduite d’un dialogue compétitif avec les candidats pour définir précisément les spécifications techniques, la commission d’appel d’offres (CAO) a décidé de retenir l’offre du groupement présentée par Tersen.
Le scénario de réhabilitation retenu prévoit le terrassement des massifs de déchets et des opérations de tri sur deux plateformes : une plateforme en bas de falaise et une autre en haut de falaise sur le plateau.
Plateforme basse
La plateforme en bas de falaise permettra l’analyse et le tri des déchets pour séparer :
- les matériaux grossiers (béton, briques...) non polluants qui seront laissés sur site
- les matériaux grossiers polluants qui seront remontés via une grue
- les matériaux fins qui seront remontés via une grue
Plateforme haute
Les matériaux fins, ainsi que les matériaux grossiers présentant un risque environnemental, seront de nouveau triés sur une autre plateforme en haut de falaise à une granulométrie plus fine, garantissant ainsi une optimisation de la valorisation des matériaux.
Pour écarter tout risque de pollution, les matériaux seront évacués pour être envoyés sur des sites de traitement spécialisés :
- les terres dites inertes et non-inertes seront valorisées hors site en aménagement de décharge
- les terres polluées seront triées puis valorisées, selon les matériaux, dans des filières de ciment ou de remblais routier
Liens utiles
Années 1960
Début de l’exploitation des décharges
2000
Cessation définitive des activités
2011
Début des études menées par la Ville
2021
Réalisation du chantier-test
2022
Intégration dans le Plan national de résorption des déchets des décharges littorales
Établissement d’un plan de gestion
2023
Lancement d'un dialogue compétitif
Fin 2024
Notification du marché travaux
2025-2028
Études et travaux tranche ferme
2027-2029
Travaux tranche optionnelle