Un décor qui inspire la peinture, la photographie et le cinéma
Placée à l’embouchure de la Seine, voie d’évasion et chemin vers Paris, Le Havre a inspiré les plus grands artistes. Perspectives graphiques, décors modernistes, dimensions humaines et esthétiques à la fois, Le Havre est une ville d’eau et de lumière qui stimule un imaginaire artistique fort. Fondée par François Ier et magnifiée par Claude Monet, Le Havre est plus que jamais terre d'inspirations.
Le Havre, berceau de l'impressionnisme
Forte d’un riche passé, la ville du Havre constitue le berceau des grands peintres impressionnistes. La lumière exceptionnelle de l’embouchure de l’estuaire de la Seine est déterminante, comme l’écrira et le revendiquera Raoul Dufy, quelques années plus tard. Le Havre, son port, sa plage, les régates, inspirèrent tous les acteurs majeurs de ce mouvement (Pissarro, Sisley, Boudin, Monet, Jongkind…).
L’impressionnisme a su donner une vision moderne du monde, choisissant des thèmes inabordés en peinture, libérés des canons picturaux ancestraux pour inventer une nouvelle perception, répondant au désir de privilégier « l’impression » instantanée sur la construction de l’esprit : peindre sur nature, sur le motif et sortir des ateliers pour aller à la rencontre du réel.
A l’art officiel du Second Empire, s’opposa un art indépendant et frondeur. La formule de Manet : « Je peins ce que je vois, et non ce qu’il plaît aux autres de voir » , résume à elle seule cette revendication de l’artiste à donner sa vision personnelle, celle de sa propre sensibilité.
Les impressionnistes introduisirent un certain nombre de procédés : l’utilisation de tons clairs, la division des tons (un orange est représenté par la juxtaposition de deux couleurs pures, le rouge et le jaune), l’obtention de la forme et du volume par les touches et les couleurs au lieu du dessin-contour, l’utilisation de l’épaisseur…
Tous ces artistes furent en quête de sites préservés de la révolution industrielle (Barbizon, la Normandie…). En cela, ils donnèrent à leur style une certaine dimension sociologique et géographique.
Le Havre possède une lumière sans cesse changeante, de superbes ciels et la mer y est omniprésente. La combinaison de cette luminosité particulière et de ces vastes étendues bleutées constitue un milieu propice à l’éclosion du style impressionniste. Les variations de densité de la lumière et les mouvements des nuages donnent à la mer une impression de miroitement de couleurs, passant d’un bleu outremer au turquoise, en passant par le vert ou encore le noir profond.
De célèbres peintres, tels que William Turner, Eugène Boudin, Gustave Courbet, Claude Monet, Camille Pissarro, Georges Braque, Othon Friesz, Raoul Dufy, Henri de Toulouse-Lautrec, Maurice de Vlaminck, etc. ont séjourné au Havre pour y capter l’intensité de sa lumière. Claude Monet a peint en 1872 au Havre son célèbre tableau.
Vous voulez vivre les premières heures impressionnistes ? Parcourez le circuit sur les pas des impressionnistes. Des panneaux mettent en perspective les œuvres et les lieux où elles ont été peintes : l’entrée du port du Havre et ses digues, la plage, le cap de la Hève :
- postez-vous sur les quais du Havre, au petit matin, face à la mer. C’est là que Monet a peint, en 1872, sa célébrissime toile Impression, soleil levant qui a donné son nom au mouvement.
- parcourez le quartier du port, son atmosphère, sujet de fascination pour Boudin : le peintre, considéré comme l’un des précurseurs de l’Impressionnisme, saisit le sémaphore dans Coup de vent devant Frascati, Le Havre. Pissarro, de son côté, se lance dans une série portuaire de vingt toiles, installé dans l’Hôtel Continental en face de la jetée.
- visitez le Musée d'art moderne André Malraux (MuMa) et sa riche collection impressionniste, se dresse dans ses lignes modernes et transparentes. Faites un détour par la cafétéria du musée avec sa vue imprenable. De quoi prendre un bon bain de couleurs !
- admirez la plage et la promenade du bord de mer jusqu’au « Nice havrais », là où Monet a peint sa fameuse Terrasse à Sainte-Adresse, en 1867. Ce balcon sur la mer offre un spectacle de lumières changeantes et de reflets marins au milieu du va-et-vient des bateaux. Une expérience impressionniste à la fois contemplative et animée.
Circuit impressionniste du Havre à Deauville I Site Normandie Tourisme
A quelques pas de l’endroit où Monet a peint "Impression, soleil levant", le MuMa, Musée d’Art moderne André Malraux héberge la deuxième collection impressionniste de France, après celle du Musée d'Orsay à Paris. Face à la mer, dans cet exceptionnel bâtiment de verre et d’acier, le musée se situe face à l’entrée du port.
Le musée nous fait vivre un grand moment d’ivresse picturale : rêver devant les scènes de plage de Boudin, se perdre dans ses études de ciel, comparer l’entrée du port version 1903 de Pissarro et celle d’aujourd’hui, voyager dans le midi avec Renoir, canoter sur la Seine avec Sisley, se noyer dans la vague de Courbet …
Les impressionnistes sont au firmament de la peinture, preuve en est l’engouement pour la donation Senn Foulds au MuMa, Musée d’Art Moderne André Malraux, il est important de rappeler à quel point leur peinture fut incomprise, rejetée et même honnie à leur époque. Mais contre vents et marées, tous ces artistes maintinrent le cap, sans chercher un seul instant, à le modifier, par souci de plaire au public. C’est ce dernier, qui petit à petit, vint à eux.
Le 29 janvier 1906, un groupe de collectionneurs et d’artistes dont Georges Braque, Othon Friesz, Raoul Dufy, a fondé le Cercle de l’Art moderne, qui a permis à ces peintres havrais d’exposer dans leur ville. Guillaume Apollinaire, Claude Debussy et Frantz Jourdain apportèrent également leur parrainage à l’association. Leurs expositions, au rythme de quatre par an, accueillent les premiers impressionnistes, les néo-impressionnistes mais aussi les jeunes fauves (Matisse, Derain, Van Dongen, Vlaminck, Manguin), faisant du Havre, là-encore, l’un des hauts lieux de ce courant alors émergent.
Ces peintres de la lumière ont ouvert la voie à de nombreux autres artistes, photographes et cinéastes, désireux de fixer les couleurs si particulières et la lumière exceptionnelle du Havre, auxquelles la ville doit cet attachement, de Renoir à Kaurismäki, en passant par Georges Méliès, Jean Vigo, Marcel Carné, Juliet Berto…
Le Havre, une ville prisée par les photographes
Retranscrire l’atmosphère, saisir les variations de lumières et le mouvement de la mer sont autant de défis pour les photographes.
Collection numérisée de photographies du Havre I Site Nutrisco
Le Havre occupe une place importante dans l’histoire du procédé photographique. Les frères havrais, Jean-Victor Warnod et Cyrus Macaire, participent à l’amélioration des techniques. Ils accélèrent les temps de pose et parviennent à rendre compte de l’incessant ressac de la mer. Ils seront les premiers à réussir à en capter le mouvement. Les daguerréotypes des Macaire font sensation et se vendent un prix d’autant plus exorbitant qu’ils ne sont pas reproductibles : ce sont des positifs directs. Le négatif sur verre, qui permet de nombreux tirages existe déjà, mais la technique n’est pas encore suffisamment au point pour saisir les infinies variations maritimes.
Par ailleurs, la mer est particulièrement difficile à photographier parce qu’elle offre un fort contraste avec le ciel. Souvent, il faut trafiquer la prise de vue pour avoir un bel horizon. Sur les négatifs, on noircit les ciels pour obtenir au tirage un ciel lumineux et sans nuages.
Pour relever ce défi, des photographes parisiens se rendent aussi au Havre. Dès 1840, Hippolyte Fizeau réalise les premiers daguerréotypes de la plage.
À partir de 1847, son accès est encore facilité par l’ouverture de la ligne de chemin de fer. Le Havre est alors la mer la plus proche de Paris. Gustave Le Gray peut dès lors s’y acheminer sans peine, malgré sa gigantesque chambre photographique, ses immenses plaques de verre et ses flacons de chimie.
Une ville cinématographique
Le Havre est la quatrième ville de France, après Paris, Marseille et Lyon, en termes de tournage. Une centaine de films de tous les genres y ont été réalisés depuis 1896 : des comédies, des drames, des polars.
En 2022, Le Havre confirme son statut de terre de film, avec 363 jours de tournage dans ses rues.
Aussi, le festival Les révélations permet de découvrir les métiers du cinéma et de vivre une expérience du cinéma.
Le Havre se présente comme un gigantesque décor de cinéma, où les ambiances et les lumières s’adaptent sans difficulté au contenu même du scénario.
L’histoire du cinéma s’écrit avec Le Havre. Avec sa lumière incroyable, ses multiples facettes offrant une variété de décors naturels, urbains, industriels, Le Havre est une ville de cinéma où sont accueillis de nombreux tournages. Le baiser et la réplique les plus connus du cinéma français, « T’as d’beaux yeux tu sais », où Jean Gabin enlace Michel Morgan, ont été tournés sur les quais brumeux du Havre. L’ambiance portuaire avait auparavant inspiré Georges Méliès, l’inventeur du cinéma, ou encore Jean Renoir. La célèbre actrice française Sophie Marceau a choisi Le Havre pour ses premières réalisations. Le réalisateur Lucas Belvaux a choisi de situer au Havre l’action de 38 témoins (2012), adaptation cinématographique du roman de Didier Decoin Est-ce ainsi que les femmes meurent ? En 2011, Aki Kaurismäki voyait sélectionné en compétition au festival de Cannes son film Le Havre.
Son passé transatlantique
À une époque où ce mode de transport n’était accessible qu’aux plus fortunés, a fait passer par cette cité portuaire un grand nombre de personnes, dont des acteurs du monde culturel comme les cinéastes. La scène finale d’Un chien andalou, film célèbre du surréalisme réalisé par Luis Buñuel en 1928, a été tournée sur la plage du Havre pour la simple et bonne raison que le réalisateur venait y prendre le bateau : « Dalí, qui a coécrit le scénario avec Luis Buñuel, y était venu pour prendre un transatlantique, et la lumière de la région lui a donné envie d’y faire un film. »
La lumière si particulière du Havre et de son estuaire
Dans L’Atalante de Jean Vigo, 1934, on peut observer en clôture du film une longue séquence consacrée au port et à l’estuaire constituée de plans tout en contraste et en lumières changeantes. Cette prise de vue captée par Vigo va ensuite être reprise dans Quai des brume, 1938, par Marcel Carné
Une ville décor aux atmosphères différentes
Son port, sa zone industrielle et sa zone résidentielle. Il y a en effet une notable différence architecturale entre les bâtiments construits sous l’égide de Perret aux proportions imposantes, aux perspectives, aux couleurs et aux textures changeantes, notamment en fonction de la lumière, et les bâtiments du Havre ancien si caractéristiques avec leurs briques d’argile rouge et jaune, engoncés dans des rues relativement étroites. De même, ces deux architectures sont encore bien différentes de celle des années 70 que l’on peut trouver en ville haute.
Le Havre d’Aki Kaurismäki, en 2011, est d’ailleurs un bon exemple d’un Havre par essence cinématographique, d’une ville-décor, entre la zone portuaire, le port de pèche, le port de plaisance, l'espace Perret, etc.
Ce même entremêlement des différents espaces de la ville est particulièrement sensible dans le film Disco de Fabien Onteniente, en 2008. Notamment dans son commencement, lorsqu’après un plan aérien balayant la ville depuis la mer, et donnant à voir l’ensemble du Havre jusqu’à sa zone industrielle, on aboutit à l’aide d’un goéland argenté aux petites maisons du quartier populaire de Graville.
Traversez le miroir !
Dans le cadre de sa politique publique autour de l’image, la Ville du Havre lance Les Révélations, un évènement qui met à l’honneur toutes les facettes de ce nouveau langage utilisé par tous, avec l’ambition de faire découvrir leurs métiers et de vivre une « expérience du cinéma » pour susciter des vocations.
Les Révélations, c’est une rencontre. Une rencontre entre le public et des personnalités aux talents inspirants (casting, réalisation, comédie, scénario...), qui ont suscité des vocations.
C’est aussi une découverte. Une découverte au plus près de ceux qui « font » l’image.
D'ailleurs, le festival permet aux Havrais, sur un vrai faux plateau, de s'initier à la réalisation et passer derrière la caméra.