Françoise Sogno, architecte de la bibliothèque Oscar Niemeyer

« L’architecture n’a de sens que si elle s’ouvre à la vie quotidienne. »

Portrait
Publié le 26 novembre 2025

Transformer un symbole d’architecture moderne en lieu de vie pour tous : tel a été le pari relevé par l'architecte Françoise Sogno. Dix ans après l’ouverture de la bibliothèque Oscar Niemeyer, l’architecte évoque ce dialogue entre héritage et innovation.

  • Comment avez-vous abordé la transformation d’un bâtiment aussi emblématique, entre héritage et aspirations contemporaines d’une bibliothèque ?

Intervenir dans un lieu signé Oscar Niemeyer, c’est affronter un monument d’architecture du XXe siècle tout en restant fidèle à son esprit. Le petit Volcan, pensé à l’origine pour le spectacle, offrait un espace déroutant : une rotonde de béton brut, sans lumière naturelle, aux volumes fantomatiques. Le défi a été d’y inventer une bibliothèque ouverte, lisible, accueillante. Un lieu de vie plutôt qu’un temple de savoir. Nous avons d’abord cherché à redonner du sens et de la cohérence à cet espace circulaire. Chaque geste architectural devait dialoguer avec l’œuvre de Niemeyer : retrouver la rampe d’accès telle qu’il l’avait imaginée, conserver la force du béton tout en l’adoucissant par la lumière et le bois. Ici, la verrière centrale constituait déjà l’atrium : un vaste espace baigné de lumière où la lecture se vit comme une promenade architecturale. C’est le cœur battant du bâtiment. Notre intention était de prolonger l’œuvre de Niemeyer, de faire entrer la lumière dans le béton, la vie dans la forme.

  • Dix ans après son ouverture, quel regard portez-vous sur l’intégration de la bibliothèque dans la vie havraise ? 

Quand nous l’avons pensée, nous imaginions un lieu traversé, habité, respirant au rythme de la ville. Dix ans plus tard, la bibliothèque Oscar Niemeyer s’est imposée comme un véritable repère social et culturel. Sa fréquentation dépasse les attentes : familles, étudiants, promeneurs ou touristes y viennent aussi bien pour lire que pour se retrouver. Ce succès tient autant à la générosité du lieu qu’à son ouverture. L’architecture, souvent perçue comme spectaculaire, a su devenir quotidienne et familière. Les courbes du béton abritent désormais des ambiances multiples : zones calmes pour la lecture, espaces de convivialité, coins pour enfants, salons dédiés à la musique ou au cinéma. C’est un lieu qui a su évoluer sans perdre sa puissance symbolique. Je suis heureuse de voir que le petit Volcan est devenu cette agora du savoir et du partage que nous espérions, un bâtiment vivant, au sens le plus humain du terme, fidèle à l’idée de Niemeyer d’une architecture pour l’homme en mouvement.

  • Comment l’architecture peut-elle continuer d’accompagner l’évolution des usages culturels ? 

L’enjeu d’aujourd’hui n’est plus seulement de construire, mais de réutiliser intelligemment ce qui existe. Le projet de la future médiathèque Raymond Queneau, que je réalise actuellement, illustre parfaitement cette approche. Installer un équipement public dans un centre commercial - en l’occurrence à Grand Cap -, c’est transformer un lieu marchand en espace de lien social et de culture. Nous y travaillons avec la même conviction : offrir une « bulle de respiration » dans le quotidien urbain, un lieu fluide, chaleureux, adaptable aux nouveaux usages. L’intérieur, tout en bois et matériaux absorbants, joue sur la transparence et la modularité. On y circule librement, on s’y installe comme on veut, seul ou à plusieurs. Ce type de projet répond à l’évolution des pratiques culturelles : on ne vient plus seulement emprunter un livre, mais vivre une expérience collective, toutes générations confondues, autour du savoir, de l’image ou du jeu sous toutes ses formes. L’architecture doit accompagner ce mouvement. Elle n’est pas un décor figé mais un outil d’émancipation, capable d’accueillir les changements de société. Le Havre, avec la bibliothèque Niemeyer et demain Queneau, montre qu’une ville peut se réinventer sans renier son patrimoine, en gardant vivante la promesse de modernité qui habite son architecture.

À voir aussi

Bibliothèque Oscar Niemeyer

2 place Oscar Niemeyer
76600 Le Havre

Du mardi au dimanche de 10h à 19h (hors vacances scolaires)
ATTENTION de 10h à 11h et de 18h à 19h, accès limité aux espaces :

  • café
  • presse
  • emploi-formation
  • biographies et témoignages
  • loisirs et vie pratique
  • salles de travail et d’animation
  • Espace jeunesse (uniquement de 10h à 11h)

Vacances scolaires : Fermeture à 18h et le dimanche durant les vacances scolaires. Fermeture à 17h et le dimanche durant la période estivale.

10 ans !

Plus d'informations sur les festivités prévues pour l'anniversaire de la bibliothèque Oscar Niemeyer