Publié le 17 novembre 2025
La Havraise Sandrine Petitjean a remporté, dimanche 9 novembre, la Virtual Regatta de la TRANSAT CAFÉ L'OR Le Havre Normandie dans la catégorie IMOCA, devant plus de 54 000 participants. Retour sur une aventure intense de près de 14 jours.
Virtual Regatta est un éditeur de jeux en ligne français, fondé par l’ancien skipper professionnel Philippe Guigné en 2006. À l'occasion de la TRANSAT CAFÉ L'OR Le Havre Normandie, dont il est partenaire, le site a proposé aux amateurs de voile du monde entier de participer à une course virtuelle qui se déroule en parallèle de la vraie course. Simulant les conditions météorologiques rencontrées par leurs homologues sur le terrain en temps réel, les "e-skippers" naviguent dans les 4 mêmes catégories et sur les 4 mêmes parcours, avec un départ en simultané de la course réelle. La seule différence est qu'eux sont en solitaire. La course virtuelle reproduit donc l'intensité et l'exigence de l'épreuve réelle, et nécessite d'excellentes compétences stratégiques pour gérer les aléas météo.
Pour cette édition 2025, ce sont près de 130 000 joueurs qui se sont prêtés au jeu toutes catégories confondues. Et parmi les 54 371 participants de la catégorie IMOCA, c'est une Havraise qui a remporté l'épreuve. Sandrine Petitjean, assistante administrative de 53 ans, habitante du Havre depuis 2020, a réussi à s'imposer en 13 jours, 20 heures et 36 minutes avec son bateau Sem la Guédonne - BFC, soit à peine 2 jours de plus que les skippers de la course au large dans la même catégorie.
Découvrez son aventure de navigation virtuelle à travers notre interview.
« Enfant, j'avais pris quelques cours pendant les vacances d'été qui m'avaient inculqué les notions de base. J'ai fait mes premières sorties en mer sur des voiliers habitables plus tard, car ma sœur et son mari sont de vrais marins : ils habitaient déjà au Havre et avaient des bateaux basés à la Société des Régates du Havre (SRH). Mais ce n'était pas moi qui naviguais ! Aujourd'hui, je serais parfaitement incapable de faire la moindre manœuvre sur un vrai voilier, ne serait-ce que pour sortir du port.
En revanche, je suis une véritable "e-skippette" ! J'ai commencé à naviguer en virtuel en 2013 avec ma famille, on faisait quelques courses de temps en temps pour s'amuser mais rien de très sérieux. Je m'y suis vraiment mise de façon assidue à partir de 2020 et de mon arrivée au Havre, notamment avec le Vendée Globe. J'avais intégré une équipe normande qui m'a mis le pied à l'étrier en m'apprenant les principales techniques. Aujourd'hui, je connais tout de la théorie de la navigation, mais je ne sais la mettre en pratique que de façon virtuelle ! »
« C'était une évidence pour moi. Déjà parce que sur Virtual Regatta, c'était LA course de l'année, celle que tous les joueurs attendaient. Et puis, habitant au Havre, je savais que j'allais pouvoir aller sur le village et rencontrer les (vrais) skippers. Pendant les jours qui ont précédé le départ, je me suis imprégnée de l'ambiance pour me mettre dans le bain. J'avais aussi plus d'ambition pour cette course que pour les précédentes, je me projetais davantage à partir dans une aventure de presque 2 semaines.
J'ai commencé à obtenir des résultats significatifs en 2022, année où j'avais gagné la Vendée Arctique Les Sables d'Olonne en IMOCA, en parallèle de Charlie Dalin d'ailleurs, qui a remporté quelques jours plus tôt la course réelle dans la même catégorie. Mais je n'avais jamais renouvelé cet exploit depuis, malgré un classement à la 10e place sur la Transat Jacques Vabre Normandie Le Havre 2023.
Il y a beaucoup de joueurs qui participent dans toutes les catégories à la fois. Mais cela demande beaucoup d'investissement et de temps ! J'ai choisi de concourir uniquement dans les catégories IMOCA et Class40 afin de pouvoir m'y consacrer pleinement. Ce sont les catégories de bateaux que je connais et maîtrise le mieux sur le jeu, celles sur lesquelles j'ai eu les meilleurs résultats jusqu'ici. »
« À l'instar des skippers qui sont en mer, on reçoit des fichiers météo toutes les 6h, soit 4 fois par jour, qui indiquent les vents et nous permettent donc de retravailler nos trajectoires, d'anticiper les scénarios possibles et ainsi de réviser nos choix stratégiques. Il s'agit de la vraie météo en temps réel, celle que les skippers en mer utilisent également. On se connecte donc aux heures de réception des fichiers et on essaie de programmer au maximum nos actions pour les 6h à venir. Cela demande de l'organisation, de l'anticipation et de la stratégie : au-delà des compétences en voile, ce qu'il faut ce sont surtout des connaissances en météo et de la maîtrise dans l'utilisation des routeurs et autres outils techniques.
J'ai pris un départ assez tranquille. La première étape stratégique pour moi a été entre le Cap Finisterre, à l'extrémité nord-ouest de l'Espagne, et les Canaries, au large du Maroc : il y avait une dorsale (une zone de forte pression atmosphérique) à franchir et les prévisions météo étaient instables. Après une longue hésitation, et malgré un changement brutal des conseils de routage météo, j'ai choisi de rester sur ma stratégie initiale et de continuer vers le sud, à l'encontre de la majorité des joueurs. Le lendemain au réveil, mon choix s'est avéré payant puisque je me suis retrouvée dans un petit groupe de tête, en avance par rapport au gros du peloton. Une première victoire !
Début novembre, nous arrivons dans la zone des alizés : cette fois, il faut choisir une ligne sur laquelle se positionner et s'y tenir. Là où certains partent plutôt au nord, mes analyses des modèles météo me font cette fois suivre la majorité et partir vers le sud. Pendant quelques jours, on se laisse porter par des alizés bien installés, et finalement, quand tout le monde se retrouve, le choix s'avère à nouveau gagnant puisque je suis cette fois en tête de la course, d'une dizaine de minutes !
La dernière difficulté pour moi a été dans les 2 derniers jours de la course : on a dû enchaîner toute une série de contre-bords pour laquelle plusieurs options étaient possibles. Cette fois, la course a un peu explosé, chacun a fait ses choix et je me suis retrouvée sans vraiment de visibilité ni de contrôle sur ce qu'il se passait, alors je suis restée concentrée sur mon routage. À un moment, j'ai compris que j'étais un peu isolée, que la plupart des joueurs avaient fait des choix différents et, malheureusement, la météo me donnait perdante. J'ai beaucoup douté, mais mon équipe a été très présente pour me soutenir et m'encourager. Finalement, quand on a commencé à tous se regrouper, j'étais de nouveau en tête, accompagnée des 2 autres e-skippers qui avaient suivi la même stratégie que moi. J'ai passé la ligne d'arrivée le dimanche matin vers 11h, quel soulagement ! »
« Aujourd'hui, je fais partie de la team BFC (Bourgogne-Franche-Comté), actuellement classée 9e mondiale au VSR (Virtual Skipper Ranking), le classement qui regroupe toutes les performances des joueurs sur l'ensemble des courses proposées sur Virtual Regatta, sur lequel je suis moi-même classée 11e mondiale en individuel. Et l'avantage de se lancer dans une aventure comme celle-là avec une équipe, c'est de pouvoir échanger, notamment sur les analyses météo, les options possibles à un instant donné, les meilleurs choix... Même si chacun reste libre de prendre ses propres décisions, c'est rassurant de savoir qu'on peut avoir un 2e avis si on en a besoin.
Pour la TRANSAT CAFÉ L'OR Le Havre Normandie, j'avais déjà pris beaucoup de décisions en amont du départ. Mais les conditions en direct sont telles qu'on a souvent besoin de s'adapter, et l'équipe a alors pu me conforter dans mes choix. Elle a aussi été très présente pour me soutenir et m'encourager, notamment dans les moments difficiles de la course. Sur les 2 derniers jours, ils m'ont été d'une aide précieuse car je commençais à fatiguer : même si on n'est pas réellement en mer, on est contraints à un certain rythme qui peut s'avérer difficile sur de longues durées. »
« Je vais déjà essayer de finir la course en Class40 ! Les premiers skippers réels devraient arriver dans la soirée du lundi 17 novembre, pour nous ce sera sans doute un peu plus tard.
Mais bien sûr, je referai des courses sur Virtual Regatta, parce qu'on y prend goût ! C'est une véritable aventure, elle peut bien sûr être stressante et contraignante en termes d'organisation et de coordination avec la vie quotidienne, mais quand y a goûté, difficile ensuite de s'en passer... À chaque course, on gagne des points pour le classement général, à la fois individuel et par équipe, ainsi que des crédits pour pouvoir continuer à équiper son bateau avec des packs d'arsenal tactique pour les prochaines courses. Plus on gagne, et plus on a donc accès aux meilleurs équipements, ce qui renforce nos chances pour la suite.
Pour certaines courses, comme c'est le cas sur la TRANSAT CAFÉ L'OR Le Havre Normandie, on peut aussi remporter des récompenses dans la vraie vie. Grâce à cette victoire, j'aurai bientôt la chance de profiter d'une expérience nautique à bord de l'Ocean Fifty Mon Bonnet Rose, et ainsi de pouvoir découvrir de nouvelles sensations, celles d'un vrai bateau de course ! J'ai également remporté un abonnement d'un an à la plateforme de formation Ocean Skills, qui va me permettre d'améliorer encore mes compétences de navigation en ligne. »
Découvrez ci-dessous le parcours tracé par Sandrine Petitjean pendant sa course (en bleu).
Le Havre
